Grande-Bretagne, Sheffield, Yorkshire, Déboisement urbain.

Grande-Bretagne, Sheffield, Yorkshire, Déboisement urbain.

 A Sheffield aussi, on déboise. Et pas qu’un peu. Cette ville qui est réputée pour compter le plus grand nombre d’arbres par habitant (qui sont un peu plus de 560.000) et pour être l’une des cités les plus vertes d’Europe est en train de perdre son patrimoine arboricole jour après jour. Il existait un peu plus de 36.000 arbres à Sheffield en 2012. Il y en a désormais 5.000 de moins et il est prévu que 18.000 au total soient coupés. En cause : un accord passé entre la mairie travailliste et la société Amey, filiale de la multinationale espagnole Ferrovial, active dans le domaine des transports et des infrastructures. Ce partenariat public-privé (PPP) qui vise à rénover le réseau routier de la ville et dont le montant total est de 2,5 milliards d’euros est au cœur du conflit qui oppose les habitants, réunis dans la plateforme « Sheffield Tree Action » et le Sheffield City Council que préside la maire Anne Murphy. Un pouvoir local qui, prenant appuis sur une loi de 1993 visant… les syndicats, n’hésite pas à arrêter les manifestants qui entravent le travail des bûcherons (lesquels sont d’ailleurs désormais protégés par une garde policière) ou à menacer des témoins ou des riverains. Ainsi, les habitants d’une rue opposés aux abattages ont-ils reçu un courrier officiel les enjoignant à s’engager par écrit à ne plus faire obstacle au travail de la société privée Amey sous peine de poursuites judiciaires. Des autorités qui semblent décidément bel et bien aux abois quand elles accusent deux habitants de tentative d’empoisonnement (du laxatif aurait été retrouvé dans le thé et le jus d’orange des ouvriers) ou quand elles mettent une riveraine en état d’arrestation pour avoir soufflé dans une trompette en plastique lors d’un abattage… A l’inverse, le partenaire principal de la ville de Sheffield dans ce PPP, la multinationale Ferrovial, a pour sa part été récemment violemment mise en cause par Amnesty International (AI) pour sa participation à la gestion des centres pour réfugiés de l’île de Nauru, en Australie. L’île de Nauru est la plus petite République du monde, peuplée de 10.000 habitants et située à plus de 3.300 kilomètres de Brisbane, ville australienne la plus proche. Elle compte parmi les exemples de catastrophes écologiques mondiales avec un sol ravagé en raison d’une surexploitation de phosphate au cours du 20ème siècle. C’est aussi un Etat en très graves difficultés financières avec lequel l’Australie a passé un accord afin d’y installer un centre de traitement pour un millier de réfugiés, un centre dont l’existence représente une des seules ressources financières de l’île. C’est ce centre (et aussi celui de l’île de Manus en Papouasie-Nouvelle Guinée) qu’administrait Ferrovial jusqu’en octobre 2017, moment où la multinationale a renoncé à renouveler son contrat en raison notamment des pressions de l’ONG. Pour la période de sa gestion, Ferrovial a déclaré 1,326 milliard d’euros de chiffre d’affaires réalisé par sa filiale locale, dont elle est actionnaire à 100%. Le commentaire d’AI est à cet égard sans appel : « L’entreprise doit assumer la responsabilité de ses actions – pendant un an et demi, elle a été partie intégrante d’un système appliqué à Nauru qui est si intrinsèquement cruel et abusif que nous pensons qu’il s’apparente à de la torture ». C’est donc avec l’entreprise britannique Amey, filiale à 100% de Ferrovial, que Sheffield a signé un contrat dont les termes n’ont pas été dévoilés mais qui contiendraient un certain nombre de dispositions suffisamment contraignantes pour expliquer l’intransigeance de la Ville et le durcissement de ses politiques envers les opposants. C’est dans ce cadre qu’une pétition adressée au leader du parti travailliste, Jeremy Corbyn, lui proposant de servir de médiateur du conflit a rassemblé 12.000 signataires. Et c’est dans ce contexte aussi qu’une trêve des abattages a été décrétée en mars dernier, quelques semaines avant les élections locales du 3 mai prochain…

Grâce à Amandine Alexandre de Médiapart :https://www.mediapart.fr/journal/international/230418/les-habitants-de-sheffield-en-passe-de-remporter-la-bataille-des-arbres. La plateforme rassemblant tous les opposants est trouvable ici : https://savesheffieldtrees.org.uk/ et le site de la pétition se trouve là : https://www.change.org/p/jeremy-corbyn-mp-jeremy-corbyn-please-mediate-the-sheffield-trees-crisis/u/22347693 . Pour se faire une idée en images de la situation à Sheffield, ce reportage de la BBC sera bien utile : https://www.youtube.com/watch?v=BUT5Al1JdPQ Le dossier d’Amnesty International sur Ferrovial est consultable ici : https://www.amnesty.be/je-veux-agir/agir-en-ligne/petitions/ferrovial_nauru et l’on pourra aussi parcourir le site de la multinationale là : https://www.ferrovial.com/es/ . Enfin, quelques informations sur la situation catastrophique à Nauru sont disponibles ici : http://geopolis.francetvinfo.fr/lile-de-nauru-du-reve-au-cauchemar-42405