Projet de zoning à Weyler-Hondelange, le combat continue…

Projet de zoning à Weyler-Hondelange, le combat continue…

Depuis 2013 les habitants du village de Hondelange (Arlon / Messancy) mènent un combat sans relâche pour s’opposer à l’extension d’un zoning sur 28 hectares (ha) de très bonnes terres de cultures et d’une forêt.

C’est en effet en 2013 que l’intercommunale IDELUX a rendu public ce projet sur 45 hectares de bonnes terres de cultures en affirmant que « les parcs d’activité du sud Luxembourg arriverons à saturation avant 2015 ». L’opposition des citoyens ne s’est pas fait attendre, de nombreuses lettres de réclamations et une pétition ont été adressées mais n’ont pas réussi à bloquer ce projet.

Neuf années se sont passées et, en février 2022, le Rapport d’Incidence environnementale (700 pages !) est rendu public. L’enquête publique est déclenchée et se clôture 6 semaines plus tard (31 mars). Un arbitrage a été réalisé, le projet se décline maintenant en une zone de 22 ha à Schoppach (sur le terrain qui a été occupé pendant des mois par la ZAD d’Arlon avant son expulsion brutale en mars 2021) et à 28 ha à Weyler-Hondelange, soit un total de 50 ha comparé aux 45 ha initialement prévus. Difficile d’y voir une amélioration !

Les villageois n’en démordent pas, un collectif est créé, le Collectif pour la Préservation du Village de Hondelange (CPVH). Il dresse un constat clair : la saturation annoncée par IDELUX pour 2015 n’a pas eu lieu, les parcs existants ont plutôt tendance à se vider plutôt qu’à se remplir. Les villageois remettent donc en question la nécessité de ce nouveau projet.

Un projet catastrophique à tous égards

Une présentation publique est organisée par le collectif pour communiquer sur les enjeux et aberrations:

  1. La mobilité: le projet ne pourra être desservi que par une route déjà largement saturée (34.500 véhicules /jour) ;
  2. La zone de prévention de captage: le projet qui prévoit notamment 8 hectares de zone industrielle se trouve intégralement sur une zone de prévention de captage, où le Code de l’eau exige d’étanchéifier les surfaces (ce qui par ailleurs n’est pas fait sur l’actuel zoning aussi situé sur la zone de prévention de captage) ;
  3. l’évacuation des eaux: le village de Hondelange en aval est de manière récurrente soumis à des aléas d’inondation et ce projet ne fera qu’accentuer ce phénomène. Par ailleurs, l’eau qui ne sera plus absorbée sur cette zone viendra encore gonfler les rivières en aval et finira sa course dans la Meuse ;
  4. la biodiversité: 25% de la biodiversité de la planète vit dans le sol, nous vivons la 6ème extinction de masse liée à notre activité. Il serait bien moins dommageable de réhabiliter des friches. Ici on est en totale contradiction avec les objectifs de développement durable poursuivis par l’Union Européenne et adoptés par le Gouvernement Wallon ;
  5. les émissions de gaz à effet de serre (GES): le Gouvernement wallon s’est engagé à réduire les émissions de GES de 55% en 2030, notamment en augmentant les stocks de carbone dans les sols agricoles et forestiers et en diminuant les émissions liées à la mobilité (moins de km par la route pour les personnes et marchandises et plus de km par le rail). Sur ce point le projet est aussi en totale contradiction : il artificialise les sols et augmente le trafic routier ;
  6. l’agriculture: les terres de cultures ici visées sont de qualité exceptionnelle pour la région, 95 % des terres de labour sont bio, les fermes visées ont des jeunes repreneurs, on se trouve en totale contradiction avec les objectifs de souveraineté alimentaire. Réduire notre capacité à produire notre propre alimentation, c’est augmenter notre dépendance vis-à-vis des pays tiers, c’est aussi contribuer à la déforestation outre Atlantique.

Ces points montrent à souhait que ce projet n’a pas sa place à cet endroit. La question de la nécessité est aussi soulevée. Pour justifier le projet, IDELUX multiplie par deux les besoins estimés, beaucoup d’espaces disponibles ailleurs sont écartés, les départs naturels sur les parcs existants ne sont pas comptés. Le promoteur public IDELUX n’est pas intéressé par ces espaces car il n’a plus rien à y gagner.

La situation idéale pour l’intercommunale, ce sont des terrains plats, bien attrayants, qu’il ne faut pas dépolluer, donc principalement des terres agricoles. Dans son scénario, ces terres seront expropriées au prix (minime) des terres agricoles, puis une modification du plan de secteur permettra de les vendre au prix (beaucoup plus élevé) des terres urbanisables, la Région Wallonne (le contribuable) prenant en charge le coût des infrastructures.

Direction le Parlement wallon

L’enquête publique se clôture avec plus de 2400 lettres de réclamation. Les communes d’Arlon et de Messancy, concernées par ce projet ont pris conscience des enjeux. Arlon limite fortement le projet à 6,69ha et Messancy s’y oppose.

Mais ce n’est pas gagné. En juin, lors de l’assemblée générale d’IDELUX, on apprend avec stupeur que l’intercommunale ne reconnait pas l’avis des communes: « C’est le ministre qui décidera », celui-ci étant Willy Borsus (MR) en charge de l’Aménagement du Territoire mais aussi de l’Agriculture. Etrange pour une intercommunale de ne pas reconnaitre l’avis de ses actionnaires !

Pour faire entendre sa voix au niveau du Parlement Wallon le collectif ne baisse pas les bras et lance une pétition qui doit réunir 1000 signatures pour être  prise en considération. La pétition demande de la cohérence et que le gouvernement, notamment en matière de révision du plan de secteur, ne prenne pas de décision qui contrevienne aux engagements pris par ailleurs, notamment en matière de souveraineté alimentaire, de réduction de gaz à effet de serre et de préservation de la biodiversité. La pétition demande aussi que l’avis des communes soit reconnu, en tant que principe élémentaire d’une démocratie.

Après deux mois d’intense activité, ce sont plus de 3700 signatures qui ont été récoltées. La pétition est clôturée anticipativement pour éviter qu’une décision soit prise de manière anticipée par le gouvernement sans que le collectif ait eu la chance de s’exprimer devant le Parlement. Cette intervention a lieu le 8 novembre. Le collectif peut plaider sa cause devant le Parlement, beaucoup de députés sont sensibilisés. Cette interpellation s’inscrit dans la logique du changement de paradigme qui est en cours. Il est devenu évident pour beaucoup que l’on ne peut plus continuer à sacrifier des ressources naturelles, précieuses et limitées, le modèle économique basé sur la croissance perpétuelle n’est pas soutenable, la croissance du « toujours plus » doit être remplacée par une croissance du « mieux ». Vivre à crédit sur les générations futures doit cesser.

Mais des poches de résistance sont encore bien présentes, tous n’ont pas encore intégré la nécessité de changer le système, ou tout simplement veulent égoïstement  conserver leur acquis. Sans que ce soit une loi absolue, on peut remarquer que plus ils ont de cheveux gris – ou moins ils ont de cheveux – et plus ils s’accrochent aux vieux modèles à bout de souffle et avancent des arguments sans fondement (voir l’article ***).

C’est ce mardi 22 novembre que le Parlement se prononcera.