Tintigny – Retour sur une défaite (et sur une pétition à contretemps)
Au sein de la rédaction d’Occupons le Terrain, nous avons longuement discuté à propos de la pertinence de cet article. Pas sur le fait de vous faire part d’une défaite – ce sont des choses qui arrivent et nos collectifs ne peuvent non plus remporter 100% des combats – mais plutôt sur la leçon que nous pouvons en tirer pour l’avenir de nos luttes.
Retour aux origines
Dans le courant du mois d’août, nous vous avons sollicité dans le cadre d’une enquête publique concernant le projet d’abattage d’arbres à la Drève du château de Villemont (Tintigny). Outre le fait que plusieurs de ces arbres étaient qualifiés de « remarquables » et donc étaient sensés être protégés, cet abattage ouvrait la voie à un vaste projet immobilier menaçant une centaine de mètres de cette drève longue de 500 mètres.
Un collectif de riverains s’est rapidement formé et une pétition en opposition à ce projet a été mise en ligne. Cette pétition reprenait comme arguments principaux l’impact visuel négatif et la rupture paysagère suite à l’abattage de ces 18 arbres ainsi que la perte écologique et patrimoniale d’arbres atteignant presque le cap des 100 ans. La pétition invoquait aussi la valeur historique et la mémoire collective liée au site du château de Villemont, victime d’un incendie durant la première guerre mondiale.
Rapidement, une mobilisation citoyenne s’est manifestée autour de cette pétition, cette dernière ayant récolté près de 300 signatures en un peu plus d’une semaine. Ce qui n’a pas été du goût de l’autorité communale, plutôt favorable au projet.
La menace du Bourgmestre
En réaction à cette mobilisation, le Bourgmestre Piedboeuf (MR) a réagi par voie de presse en précisant qu’il ne tiendrait pas compte des pétitions, celles-ci ne constituant pas la voie légale pour réagir à une enquête publique. L’intention politique de museler les opposant.e.s au projet a ainsi éclaté au grand jour.
Même si d’autres autorités communales en Wallonie ont déjà fait preuve d’une plus grande largeur d’esprit en acceptant les pétitions en réaction à une enquête publique, la manœuvre du Bourgmestre Piedboeuf n’a rien d’illégal. En effet, comme nous le précisons dans notre fiche pratique dédiée, « Durant la phase d’enquête publique, vous aurez à récolter un maximum de lettres individuelles de remarques/opposition au projet auprès de vos soutiens ou des signatures sur une lettre-type que votre collectif aura préalablement rédigée. Introduire une pétition à ce moment-là jetterait le trouble dans l’esprit de vos soutiens, ces derniers ne sachant pas ce qu’il vaut mieux signer. De plus, sur le plan légal, les autorités communales peuvent considérer la pétition (peu importe le nombre de signatures récoltées) comme comptant pour une seule lettre d’opposition. Il vaut donc mieux ne pas introduire de pétition durant ces phases, voire suspendre provisoirement la publicité que vous faites autour d’une pétition qui serait déjà en ligne ».
Face à cette position du bourgmestre, le collectif a joint Occupons le Terrain afin que nous diffusions en urgence la lettre-type de réponse à l’enquête publique via notre formulaire automatisé. Malheureusement, au vu de la confusion des esprits évoquée ci-dessus et du très court délai de réaction, cette lettre n’a pu récolter qu’une grosse vingtaine de signatures en 3 jours.
Menace mise en exécution
Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’autorité communale s’est empressée de clôturer ce dossier. Alors que l’enquête publique s’est seulement clôturée le 1er septembre, nous apprenions par voie de presse le 27 que le Collège communal avait accordé l’avis d’abattage, avec pour condition selon les recommandations du Département Nature & Forêt (DNF) le remplacement des hêtres abattus par des tilleuls à petites feuilles.
Bien que la pétition ait récolté 587 signatures, il est précisé que le Collège a uniquement analysé les 7 réclamations reçues. La menace du Bourgmestre a donc bien été exécutée et la pétition a compté tout au plus pour une seule réclamation. Nous nous étonnons par ailleurs de ce nombre avancé de 7 réclamations, alors que notre système de formulaire sur notre site a enregistré plus de 20 « submissions », donc plus de 20 lettres dont nous avons la preuve qu’elles ont bien été envoyées à la commune. Même si ce chiffre est fort éloigné du succès de la pétition, cette disparité des chiffres est pour le moins troublante…
L’histoire n’est cependant pas tout à fait entendue, le collectif d’opposition réfléchissant actuellement à la pertinence d’un recours.
Ce qu’il faut en retenir
Nous ne répéterons jamais assez – que ce soit dans nos articles, dans notre newsletter ou au travers de nos publications sur les réseaux sociaux – que la lutte contre des projets inadaptés et nuisible est hautement stratégique. Comme un jeu d’échecs, mais avec des conséquences beaucoup plus néfastes en cas de défaite.
Nous ne pouvons donc que vous inviter toutes et tous à suivre nos différents conseils pour mener à bien votre lutte, notamment via notre Manuel de Résistance et nos fiches pratiques disponibles dans la rubrique « Boîte à outils » sur notre site internet.
Et pour conclure sur le sujet des pétitions en ligne, si ces dernières sont d’excellents moyens de faire connaître votre combat et de fédérer de nombreux soutiens autour de votre lutte, il est important de bien choisir le moment pour les créer/les relayer. Pour éviter tout problème, ne jamais introduire de pétition en réponse à une enquête publique mais bien privilégier la lettre-type de réponse individuelle (que nous nous ferons un plaisir de relayer si vous le souhaitez).

