Seraing – Le Val Saint-Lambert en voie de sauvetage ?

Seraing – Le Val Saint-Lambert en voie de sauvetage ?

On ne va pas s’emballer trop vite car le dossier du Val Saint-Lambert a connu un fameux nombre de rebondissements impressionnants au cours des 25 dernières années. Mais la décision prise ce lundi 13 octobre par le Conseil communal (à l’unanimité !) pourrait déboucher sur une avancée majeure et très positive.

Petite plongée dans le temps. Pendant des siècles, le site du Val Saint-Lambert a été occupé par une abbaye cistercienne établie en bord de Meuse. En 1826, une cristallerie y est créée qui va acquérir en quelques années une renommée mondiale. Après plus d’un siècle d’opulence, le déclin commence dans les années ’60 puis s’accentue. Dès les années 2000, les faillites et les reprises se succèdent. Mais, dans l’ombre, un grand projet de remise en valeur de l’ensemble du site s’élabore.

De l’accrobranches du Cristal Park…

Il y a dix ans, il se présente au monde. C’est désormais l’heure du Cristal Park. Un projet grandiose, l’avenir retrouvé pour toute une région si on en croit Pierre Grivegnée, son promoteur. Au programme : un village commercial thématique de 60.000 m² dédié à l’équipement de la maison et aux loisirs, un centre de loisirs de 19.000 m² avec aqua parc, cité des enfants, accrobranches, EcoPark Adventures, un hôtel4 étoiles de 120 chambres, un parc d’affaires de 16.000 m² (10 bâtiments de 3 étages chacun), trois lotissements résidentiels pour l’implantation de logements de qualité (200 appartements et 110 maisons). Grandiose, on vous le disait.

A l’époque, il n’y avait personne dans les hautes sphères du pouvoir à Seraing pour émettre des doutes, ou même des réserves, sur ce projet. Au contraire, le bourgmestre PS, Alain Mathot, soutient ce projet depuis ses premières ébauches en 2004 et ouvre la pompe à subsides, de toute part et de toutes sortes. Le promoteur parade, le bourgmestre encense. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes… d’un projet qui ne semble pourtant pas très pressé de se concrétiser.

Cet énorme paquebot immobilier, hôtelier et commercial, qui implique quand même le saccage d’un vaste ensemble de zones boisées et de prairies (mais on ne va pas en faire tout un plat , n’est-ce pas) va en effet rencontrer rapidement, non pas encore un iceberg, mais un petit récif.  Le premier élément de ce projet à être soumis à enquête publique est le parcours d’accrobranches qui empiète sur la zone Natura 2000. Un collectif – Le Bois du Val –  se crée en 2019 pour protéger celle-ci et entame un long combat.

Cette péripétie d’apparence anodine – pensez, un parcours d’accrobranches ! – va pourtant ouvrir une petite brèche dans la coque du grand paquebot. Et l’eau va commencer à s’insinuer goutte à goutte, puis à couler de plus en plus fortement dans les cales. Car le grand paquebot rencontre de plus en plus de récifs sur son chemin qui éventrent de plus en plus la coque. Mobilisations du collectif, travail d’enquête et interpellations communales incessantes de l’opposition Ecolo et surtout PTB, recherches et révélations de journalistes indépendants, révélations d’origine certifiée mais publiquement anonymes,… se multiplient  jusqu’au naufrage final du Cristal Park. Le projet apparaît désormais comme une vaste escroquerie portant sur plusieurs dizaine de millions d’euros et se termine par une faillite retentissante qui s’étale de 2022 à 2024. Le promoteur est arrêté et inculpé d’abus de biens sociaux. Son pote bourgmestre plonge aussi mais à cause d’un autre dossier où il est condamné pour corruption. Exit le duo enchanté du « grandiose » projet…

… aux tranchées d’Elia

Le site du Val Saint-Lambert est donc débarrassé d’une énorme menace. Mais, pas le temps de souffler, c’est un autre front qui s’ouvre : la société ELIA entame en 2023 la construction d’une liaison souterraine reliant la future centrale TGV à Seraing au poste électrique ELIA de Rimière… en passant bien entendu par les prairies et les bois du Val Saint-Lambert.

Ce projet est évidemment vendu à la commune comme « sans impact sur la nature »  et « totalement sous contrôle ». il se transforme pourtant rapidement en fiasco retentissant : des zones vertes sont éventrées de manière particulièrement sauvage ; les travaux butent à répétition sur des difficultés imprévues, provoquant notamment un véritable déferlement de bentonite dans la nature ; les grandes foreuses se brisent et des morceaux restent inaccessibles et irrécupérables dans le sol ; le premier tracé – interrompu et durablement à l’arrêt – est mis au frigo par Elia qui tente d’obtenir un permis pour un deuxième tracé de rechange, encore plus dévastateur pour la nature. Et, comme l’impréparation et l’inefficacité d’Elia se doublent d’une arrogance sans limite, même le collège communal PS commence à sérieusement s’énerver.

Une décision radicale

Lundi 19 octobre, une décision inattendue – mais qui peut avoir une importance capitale –  vient d’être prise par le Conseil communal. Elle tient  en deux points.

Tout d’abord, la Commune, déjà propriétaire du château, va acheter les autres bâtiments patrimoniaux présents sur le site : la salle des fêtes (appelée également salle capitulaire), la maison Deprez, la cristallerie, le showroom et la maison des étrangers. Coût de cette opération : 4 millions d’euros. Plus 1 autre million qui devrait servir à créer, sur le site, une école et un centre d’étude et de loisirs axés sur la nature, un projet porté jusqu’ici par le PTB.

Ensuite, la Commune a décidé de programmer une modification du plan de secteur pour tous les terrains qui entourent le site afin de les protéger contre tout projet immobilier.

Même si tous les détails des procédures ne sont pas encore connus et que tout cela peut prendre beaucoup de temps, il est clair que cette décision va dans le (très) bon sens pour la Val et pour Seraing. Et qu’elle pourrait inspirer de nombreux collectifs dans de nombreuse communes !