France – Canal Seine-Nord : mega-canal, mega-scandale

France – Canal Seine-Nord : mega-canal, mega-scandale

Le week-end du 10 au 12 octobre, les Soulèvements de la Terre et Extinction Rebellion se sont joints au collectif Méga Canal Non Merci pour une mobilisation nationale à Thourotte, en Picardie, dans le cadre d’une saison d’actions contre les ravages de l’empire logistique.

Plus de 2.000 personnes ont manifesté, pique-niquer, participé à des tables rondes, à des balades naturalistes et des ateliers.

Mais pour quelles raisons ont-elles conflué d’un peu partout à Thourotte ? Pour montrer leur opposition au projet « Seine-Nord », un gigantesque chantier destiné à aménager un canal de 107 km qui raccorderait la Seine aux grands ports d’Anvers et de Rotterdam. C’est le « chantier du siècle » : sept écluses, trois ponts-canaux parmi les plus grands d’Europe, une soixantaine de ponts et quatre ports intérieurs. Pour assurer un niveau d’eau constant, une réserve grande comme 22 fois la bassine de Sainte-Soline doit être construite et remplie par le pompage de l’Oise (dans une région où les sécheresses et inondations se multiplient).

Tenez vous bien : le projet détruirait plus de 3 000 hectares de terres agricoles, soit l’équivalent de la surface de Lille. Plusieurs espèces protégées, dont la mulette, la reinette et le martin pêcheur feraient les frais de ces destructions.

Le chantier, titanesque, repose tout de même sur une promesse alléchante : celle de voir disparaître des millions de camions de l’A1 grâce au développement du fluvial. Sauf que… ça ne marche pas comme ça. Les semi-remorques chargés de palettes et de cartons ne transportent pas du tout les mêmes marchandises que les grandes barges, dédiées aux granulats pour le BTP et céréales issues de l’agro-industrie. Les flux routiers et fluviaux sont plutôt complémentaires, et une intensification du fret fluvial accompagnerait la croissance des flux routiers… tout en concurrençant le réseau ferroviaire qui, lui, existe déjà. Derrière des arguments d’apparence louable, le canal Seine-Nord ferait quadrupler le gabarit des bateaux descendant jusqu’aux portes de l’Île-de-France, transformant les petits canaux d’aujourd’hui en autoroutes à bateaux, qui profiteraient surtout aux géants de l’agro-industrie.  

Pour faire advenir cette autoroute fluviale, la Société du canal Seine-Nord Europe, présidée par le chef de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, réclame la modique somme de 8 milliards d’euros de fonds publics. Le tout au service d’intérêts privés et d’un maillage entièrement tendu vers la compétitivité européenne et mondiale d’une Picardie qu’il rêve en «hub logistique» (toute ressemblance avec la Wallonie… n’aurait rien de surprenant – Note d’OLT). 

Mégatravaux, mégabassines, remembrement… le territoire picard, arrière-pays de la banlieue parisienne à laquelle il est économiquement vassalisé, se verrait complètement défiguré. Avec des emplois à la clef ? Oui, mais lesquels ? Précaires, dans des entrepôts logistiques. Les travailleur·ses du fluvial seraient quant à eux concurrencés par les bateaux belges et néerlandais tandis que les dockers du Havre seraient carrément court-circuités, étant donné que le projet permettrait aux armateurs d’atteindre l’Île-de-France sans passer par les ports donnant sur la mer du Nord – et le contre-pouvoir syndical dont ils disposent.

Vous trouverez le compte-rendu de cette action festive dans cet article publié sur le site de Reporterre. 

Quant au texte de présentation du canal Seine-Nord, il a été repris de la newsletter éditée par la très intéressante revue française « Fracas« .