Lors de l’enquête publique, vous allez devoir à la fois développer un grand nombre d’arguments contre le projet dont vous ne voulez pas ET obtenir le soutien écrit d’un maximum de personnes sur votre argumentation. Vous n’atteindrez cet objectif qu’en diversifiant les types de courriers.
Trois types de courriers sont nécessaires :
- quelques lettres ultra-argumentées disséquant le projet et pointant toutes ses incohérences et ses dangers. Elles peuvent être longues, agrémentées de schémas et de photos,… (si vous avez un.e architecte parmi les membres de votre collectif ou parmi vos connaissances, mettez-le au travail sur cet aspect ; si vous n’en avez pas,… mettez-vous au boulot vous-mêmes !) ;
- des courriers écrits par des riverain.e.s. Ici, pas besoin de longs développements, mais il est important que les riverain.e.s détaillent les problèmes déjà existants (mobilité difficile dans les rues proches, inondations dans les caves en cas de fortes pluies ou d’orage,…) et expliquent à quel point ils seraient démultipliés par la construction du projet ; il faut aussi que ces riverain.e.s pointent ce que le projet leur amènerait comme nouveaux problèmes (perte d’ensoleillement et d’intimité, pollution sonore et/ou visuelle,…).
- Une lettre plus simple et plus générale qui puisse être comprise, approuvée et signée par beaucoup plus de gens, qui ne sont ni des « spécialistes » ni des riverain.e ;s mais qui sont touchés par ce que vous leur racontez. Un très grand nombre de réponses donnera un poids et un sérieux beaucoup plus grands aux arguments détaillés présents dans les courriers des spécialistes et des riverains et empêchera le pouvoir communal ou régional de traiter la protestation à la légère. C’est ce que nous appelons la « lettre-type ».
La lettre-type est un des supports les plus importants de votre communication et sa diffusion par de multiples canaux est essentielle. En effet, la lettre-type peut jouer un très grand rôle – et même être « l’arme fatale » – dans la mobilisation contre le projet que vous contestez. Elle doit donc être l’objet de tous vos soins. Car écrire et diffuser cette lettre-type est un exercice qui n’a rien d’évident.
Mais avant même de vous attaquer à sa rédaction, il vous faut impérativement consulter le dossier complet du projet soumis à enquête publique afin d’y dénicher les arguments qui alimenteront votre opposition. Pour ce faire, nous vous invitons à lire nos deux fiches pratiques dédiées à cette étape importante : comment obtenir les informations urbanistiques et analyser un dossier d’urbanisme.
Une fois l’ensemble de ces arguments listés, vous êtes alors prêts pour rédiger votre lettre-type et à la diffuser pour recueillir un maximum de signatures.
Ecrire une lettre-type est un sport de précision
La lettre-type doit remplir plusieurs critères :
- elle doit être précise : pas question d’y commettre des erreurs ou des approximations qui pourraient être utilisées pour vous discréditer
- elle doit être écrite dans une langue simple en évitant les aspects les plus « techniques » pour qu’elle soit comprise par un public très large
- elle doit situer le projet dans son contexte géographique et lier votre critique à quelques grands principes pour qu’elle puisse être comprise aussi par des gens qui n’habitent pas votre quartier ou votre village mais qui se sentent solidaires de votre action.
- elle ne doit pas être trop longue : elle doit tenir, dans sa version papier, sur un recto-verso de papier A4. Elle doit également comprendre un espace blanc permettant aux gens qui le souhaitent de noter leur avis personnel ainsi qu’un emplacement pour les coordonnées des signataires.
- elle doit s’accompagner d’un mode d’emploi expliquant aux gens une série de points importants qui ne peuvent pas figurer dans la lettre elle-même : votre indignation face à ce projet, un appel à se mobiliser, les diverses manières d’envoyer le courrier complété aux bonnes adresses (par la poste et par mail) et surtout une liste de « personnes relais » avec leurs noms et adresses.
- elle doit être utilisable très vite. Vous devez donc la rédiger le plus vite possible, de manière à pouvoir lui assurer une diffusion maximale. Cette lettre n’est ni un roman ni un mémoire d’université. C’est simplement un outil de première importance pour une action qui ne durera que deux ou quatre semaines. Elle doit donc être bouclée au maximum trois ou quatre jours après le début de l’enquête publique.
Vous trouverez des exemples de lettre-types utilisées par différents collectifs sur le site internet d’Occupons le Terrain. En raison de la diversité des projets (immobiliers, commerciaux, récréatifs, industriels, …) à laquelle sont confrontés nos collectifs, vous pourrez y puiser de nombreux arguments d’ordre général qui permettront d’éclairer votre opposition.
Diffuser cette lettre est un sport d’endurance
Comment faire signer cette lettre-type par un maximum de monde ? En combinant le format papier et la diffusion par internet et les réseaux sociaux, pour toucher tous les publics, les plus proches comme les plus lointains.
Tou·te·s les citoyen·ne·s majeur·e·s peuvent remplir un courrier dans le cadre d’une enquête publique, qu’ils habitent la commune ou pas, qu’ils aient la nationalité belge ou pas. Evidemment, si les courriers des habitant·e·s de votre commune ne représentent que 3% de l’ensemble des réponses, cela ne plaidera pas en votre faveur. Par contre, un nombre important venant de communes voisines ou même plus éloignées venant s’ajouter à un solide socle de réponses locales pèsera plus auprès du pouvoir communal. Car cela montrera la détermination du collectif, sa capacité à mobiliser des soutiens, l’impopularité du projet sur une échelle plus large et le danger que tout cela pourrait représenter pour l’image de marque de la commune.
En format papier
Il est essentiel qu’une majorité d’habitant·e·s de votre quartier ou de votre village fassent connaître leur opposition au projet. Pour cela, il va vous falloir détermination et endurance.
- Commencez par diffuser la lettre-type (avec son mode d’emploi !) en format papier en toutes-boîtes
- Prenez contact avec les commerçant·e·s afin de déposer des exemplaires de la lettre dans leurs magasins. Si ces personnes habitent le quartier et/ou se montrent d’accord avec vous, demandez-leur d’inviter leurs clients à remplir et signer le document
- Faites fonctionner le réseau de « personnes-relais » dont les noms et adresses sont repris dans le mode d’emploi accompagnant la lettre-type. Celles-ci sont des membres du collectif qui acceptent de servir de boîtes aux lettres publiques pour l’occasion : chaque habitant·e peut déposer son courrier rempli et signé dans la boîte aux lettres d’une « personne-relais » et celle-ci se charge de les transmettre au collectif pour un envoi groupé au service de l’Urbanisme. Ce système des « personnes-relais » donne un visage concret et personnel à l’opposition au projet et facilite la vie de toutes les personnes qui accepteront plus facilement de répondre à l’enquête
- Ne désespérez pas si des courriers vous reviennent complétés mais en nombre insuffisant. Il est possible que la lettre se soit mêlée aux publicités, que les gens aient oublié de la remplir ou de la rapporter, … Passez à l’étape suivante : le porte à porte. Rien ne vaut le contact humain pour informer, discuter et convaincre
- Pour toucher des gens venant parfois d’un peu plus loin, n’hésitez pas à vous inviter dans les endroits où vous pourrez rencontrer beaucoup de monde (si possible avec l’accord du responsable de l’activité où vous vous invitez !) : sur le marché local, à la brocante, sur le trottoir du magasin bio, devant le centre culturel, sur le parking de la grande surface du quartier, à la fête de la fraise, … Une petite table, une pancarte, quelques éléments visuels (photos ou dessins sur le mode « aujourd’hui sans le projet / demain avec le projet réalisé »), une pile de lettres-types, une bonne dose de conviction et vous pourrez obtenir des dizaines voire des centaines de signatures.
En version électronique
Internet permet d’offrir un écho beaucoup plus large à la mobilisation. Ne vous en privez pas !
- Reproduisez la lettre-type sous format électronique, adaptez le mode d’emploi (en n’indiquant que les adresses mail où l’envoyer) et faites la circuler au maximum
- Utilisez Facebook, X, Instagram, Mastodon et les autres réseaux sociaux pour en faire la pub et invitez vos ami·e·s et correspondant·e·s à la signer et à la diffuser eux-mêmes
- Demandez à toutes les personnes qui répondent par mail à la commune de vous mettre en copie (cachée de préférence). Cela vous permettra d’estimer régulièrement le nombre de répondant·e·s et surtout de garder une trace des personnes qui ont répondu, de manière à pouvoir les remercier et, si elles le souhaitent, de les tenir au courant par la suite
- Pour atteindre une plus grande visibilité, créez un site internet (même élémentaire) pour y regrouper tous les arguments utiles à votre action… et pour y placer une lettre à remplir et signer qui puisse être envoyée en un simple clic à l’adresse mail de la commune.
- Nouveauté importante: Occupons le Terrain peut vous aider à la diffusion de votre lettre-type au moyen d’un formulaire automatisé. Ce dernier permet aux personnes d’envoyer cette lettre simultanément à la commune et au collectif (en copie cachée) d’un simple clic. Ces personnes ont juste à rentrer leurs coordonnées et leurs (éventuelles) remarques personnelles, ce qui prend tout au plus quelques minutes. Depuis l’instauration de ce système en décembre 2024, plus de 30 formulaires sont ainsi passés par notre site et ont récolté en moyenne plus de 320 signatures ! Pour plus d’informations, envoyez-nous un mail à contact@occuponsleterrain.be
