Pour tout projet, que vous soyez à l’étape de la Réunion d’Information Préalable (RIP) précédant la réalisation de l’étude d’incidence environnementale (EIE) ou à l’étape de l’enquête publique (EP), vous serez souvent confrontés à la même phrase sur les affiches : « Le dossier peut être consulté auprès de l’administration communale, au service de l’ Urbanisme, aux heures d’ouverture ou sur rendez-vous… « . De plus, une fois sur place, vous serez régulièrement confronté à des « freins » vous empêchant de consulter le dossier dans son entièreté (parfois plusieurs centaines de pages) : durée limitée de la visite au service, refus de vous délivrer une copie du dossier, interdiction de prendre des photos, …
Or vous n’avez souvent que peu de temps (15 ou 30 jours maximum) pour analyser complètement le dossier et rédiger votre lettre d’opposition au projet. Dès lors, quels sont vos droits au niveau de l’accès à l’information environnementale (qui couvre l’urbanisme) ?
La Convention d’Aarhus
La Convention, transposée dans le Code de l’Environnement au niveau wallon, part de l’idée qu’une plus grande implication et sensibilisation des citoyens par rapport aux problèmes environnementaux conduit à une meilleure protection de l’environnement. Elle a pour objectif de contribuer à la protection du droit de chaque personne, des générations présentes et futures, de vivre dans un environnement convenant à sa santé et à son bien-être. Pour atteindre cet objectif, la Convention propose une intervention dans trois domaines :
- Assurer l’accès du public à l’information sur l’environnement détenue par les autorités publiques
- Favoriser la participation du public à la prise de décisions ayant des incidences sur l’environnement
- Étendre les conditions d’accès à la justice en matière d’environnement.
Les institutions de l’Union répondent à la définition d’autorité publique de la Convention, au même titre que les autorités nationales ou locales.
Accès du public à l’information sur l’environnement
La Convention prévoit des droits et obligations précis en matière d’accès à l’information sur l’environnement, notamment concernant les délais de transmission et les motifs dont disposent les autorités publiques pour refuser l’accès à certains types d’information.
Le refus est admis dans trois cas :
- Si l’autorité publique n’est pas en possession de l’information demandée
- Si la question est manifestement abusive ou formulée de manière trop générale
- Si la demande porte sur des documents en cours d’élaboration.
Le rejet d’une demande est également prévu pour des raisons de secret des délibérations des autorités publiques, de défense nationale et de sécurité publique, pour permettre la bonne marche de la justice ou afin d’être en conformité avec :
- Le secret commercial et industriel
- Les droits de la propriété intellectuelle
- Le caractère confidentiel des données
- Les intérêts d’un tiers qui a fourni volontairement les informations.
Ces motifs de refus doivent être interprétés de façon restrictive, en tenant compte de l’intérêt public pouvant résulter d’une divulgation de l’information. Ce qui signifie notamment dans le cadre de projets urbanistiques que l’intérêt général prime et que ces motifs de refus doivent être utilisés parcimonieusement par l’administration.
La décision de rejet doit s’accompagner des motifs et indiquer les voies de recours à la disposition du demandeur.
Comment faire en pratique ?
Votre demande au service de l’urbanisme peut être formulée de la manière suivante par Email :
« Madame, Monsieur [autorité publique], Sur base des articles D.6 et suivants du Code de l’Environnement, je souhaiterais recevoir copie du dossier [référence], concernant [intitulé du dossier]. Je souhaite le recevoir soit et de préférence par Email, ou à défaut par courrier postal. D’avance merci pour votre aide. Veuillez recevoir, Madame, Monsieur [autorité publique], … »
Sans réponse dans les 24 heures, n’hésitez pas à téléphoner au service de l’urbanisme pour demander des nouvelles de votre demande : il ne faut pas traîner !
Si malgré tout, le service de l’Urbanisme refuse de l’envoyer par email ou par la poste, prenez rendez-vous et insistez sur l’obligation qui est faite à l’administration de fournir une copie du dossier sur base de la Convention d’Aarhus transposée dans le Code de l’Environnement. Faites savoir au service de l’urbanisme que vous êtes bien au courant de vos droits et que vous comptez les faire valoir en introduisant un recours à la Commission de recours pour le droit d’accès à l’information en matière d’environnement (CRAIE). Comme le délai de traitement des dossiers est généralement assez long, il vaut mieux la contacter directement par téléphone en formant le 1718.
Si vous devez vous rendre au service de l’Urbanisme suite à un refus de leur part de communiquer le dossier, quand vous serez sur place, vous avez le droit de photographier chaque page du dossier (prendre simplement note du contenu de dizaines de pages est de facto impossible, a fortiori les plans), toujours pour les mêmes raisons. Si cela vous est interdit (l’interdiction de photographier est parfois affichée dans la salle de consultation des dossiers), faites savoir ici aussi au préposé du service de l’urbanisme que vous êtes bien au courant de vos droits et que vous comptez alerter la CRAIE de l’infraction.
Si le règlement général sur la protection des données (RGPD) est invoqué pour justifier l’interdiction, montrez le bloc de post-it que vous avez pris soin d’emporter avec vous, pour anonymiser les coordonnées des personnes qui ont participé à la constitution du dossier : architecte, bureau d’étude, promoteur, etc. Mais si le préposé reste intraitable, vous devrez faire avec les moyens du bord et alerter la CRAIE.
Et ensuite ?
Une fois que vous disposez du dossier, il est temps de le décortiquer afin d’en tirer des arguments pour écrire votre lettre d’opposition au projet. Afin de réaliser cette analyse, nous vous invitons à utiliser notre fiche pratique « Clés pour analyser un dossier d’urbanisme ».
