A. Du côté législatif
1. Le contexte
La réunion de concertation ne concerne actuellement qu’un seul type d’enquête publique, celui qui comprend tout projet incluant la création/modification/suppression de voirie(s).
Auparavant, cette procédure était scindée en deux : une enquête publique concernant la voirie, suivie d’une autre enquête publique concernant le projet en lui-même. A l’heure actuelle, ces deux procédures sont regroupées au sein d’un permis unique.
La différence principale entre les deux types d’enquête publique se situe au niveau de la durée: 30 jours si le projet inclut la création/modification/suppression de voirie, 15 jours si ce n’est pas le cas.
En effet, si le projet comprend un aspect « voiries », l’enquête publique n’est plus régie par le Code du Développement Territorial (CoDT) mais dépend bien du Décret du 06 février 2014 relatif à la voirie communale.
Ce dernier stipule, dans son article 25, que lors de la phase d’enquête publique, « Si le nombre de personnes ayant introduit individuellement des réclamations et observations est supérieur à vingt-cinq, le collège communal organise une réunion de concertation dans les dix jours de la clôture de l’enquête. »
2. Avec qui ?
Toujours selon l’article 25 du Décret du 06 février 2014, la réunion de concertation met en présence les trois acteurs clés de la participation que sont l’administration communale, les représentants des réclamants ainsi que le demandeur et ses conseillers. D’autres administrations (le fonctionnaire délégué, par exemple) peuvent être invitées dans cette relation triangulaire.
S’agissant des modalités d’organisation de la réunion, le Décret stipule que le collège échevinal l’organise dans les dix jours de la clôture de l’enquête publique, si le nombre de personnes ayant introduit individuellement des réclamations et observations est supérieur à vingt-cinq. Il est à noter qu’on parle bien ici de lettres individuelles de réclamations et non de pétition !
Le nombre limite de personnes par groupe est passé, au fil du temps, de 9 à 5 et cette limite en elle-même, combinée avec l’objectif affiché de « concertation » de la réunion, implique que celle-ci se tienne à l’abri de la pression que pourrait exercer l’opinion publique. Conformément au Décret, les réclamants doivent organiser leur « représentation » (= choisir leurs 5 représentants) et, pour ce faire, disposer de la liste des réclamants, établie par la commune. Celle-ci doit fournir ces informations dès la clôture de l’enquête publique car le temps presse : il n ‘y a que 10 jours entre la fin de l’enquête publique et la tenue de la réunion.
Enfin, il est à noter que, parmi les 5 représentants de son groupe, l’Administration communale peut inviter d’autres administrations (Fonctionnaire-délégué, DNF, …).
3. Quand ?
Le Décret stipule que la réunion de concertation doit être organisée dans les 10 jours de la clôture de l’enquête publique.
Dans les faits, vu le travail de composition des groupes que cela représente, ce délai est généralement prorogé de quelques jours, dans les limites du raisonnable.
4. Comment ?
Le premier point à préciser est que personne d’autre que les 5 représentants de chaque groupe ne sera autorisé à assister à la réunion. Il est donc important pour les collectifs de bien faire passer cette information auprès des personnes qui les soutiennent.
Il s’agit d’une réunion où les trois parties exprimeront leurs points de vue et arguments.
Généralement, l’Administration communale ouvre la réunion en faisant le point sur les chiffres définitifs de l’enquête publique : nombre de lettres reçues et résumé des principaux griefs évoqués par le projet.
Par la suite, les réclamants peuvent compléter le point de vue de l’Administration communale et/ou le promoteur et ses conseillers répondre de manière argumentée aux griefs soulevés.
Il n’y a pas de timing « légal » de la réunion. Il est laissé au bon vouloir de l’ensemble des participants.
Le plus important pour les réclamants est de bien veiller à ce que tout ce qu’ils veulent développer soit bien cité, même si aucune réponse n’est apportée par le promoteur/l’administration communale. En effet, un PV officiel sera dressé lors de cette réunion et envoyé aux différentes parties (il pourra donc servir par la suite, nous y reviendrons).
5. Pourquoi ?
Autant le préciser d’emblée, la réunion de concertation aboutit rarement à une modification radicale de la position des parties. Rendue obligatoire par le Décret, elle est plus symbolique qu’autre chose.
Cependant, elle permet une première confrontation de « vive voix » entre les différentes parties. Il est donc important que le collectif réfléchisse aux arguments qu’il souhaite mettre en avant, même si les autres parties n’y apporteront pas nécessairement de réponse. A ce niveau, chaque collectif a sa propre stratégie : certains préfèrent aborder tous les arguments repris dans les lettres de contestation, d’autres préfèrent en « garder pour la suite ». Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise stratégie, chaque collectif est libre d’adopter celle qui lui semble le plus opportune.
6. Le procès-verbal
Un procès-verbal de la réunion sera produit/rédigé.
Dans les semaines qui suivent la réunion, l’Administration communale vous enverra une proposition de procès-verbal. Vous disposerez alors de quelques jours pour compléter cette proposition ou y apporter vos remarques. Une fois les ajouts de chacune des parties consignés, le procès-verbal définitif sera envoyé.
Ce procès-verbal sera notamment une des pièces sur lesquelles se baseront la Commission Communale d’Aménagement du Territoire et de la Mobilité (CCATM), le Collège et le Conseil communal pour rendre leur avis/décision. Il pourra également servir au collectif dans la suite de sa lutte.
B. Du côté des collectifs: quelques conseils
Alors, si elle ne sert à rien, pourquoi se tracasser de cette réunion et y participer ? Parce qu’en y allant, vous pourrez marquer des points et qu’en n’y participant pas (ou en y participant mal), vous risquez d’en perdre.
Le nœud du problème, c’est qu’en fin de course, ce seront les autorités politiques (communales et régionales) qui prendront la décision. Cette décision reposera sur des raisons d’urbanisme et d’aménagement du territoire mais dépendra aussi de l’ampleur et de la force de l’opposition de la population à ce projet. Considérez donc que votre participation à cette réunion de concertation doit être une démonstration de force de votre collectif.
Et, pour cela, voici quelques petits conseils , extraits du chapitre 7 (« La réunion de concertation. La carotte et le bâton ») de notre Manuel de Résistance aux projets inadaptés, imposés & nuisibles ! » qui est téléchargeable sur notre site et qui peut être lue avec profit du début à la fin !):
- Constituez votre délégation avec soin. Choisissez les membres les plus « solides » de votre collectif (ceux et celles qui connaissent le mieux le dossier et qui pourront argumenter sans se laisser démonter) en essayant de composer une « équipe » associant des personnes ayant des connaissances dans des domaines variés qui se complètent et, peut-être, un·e riverain·e très proche du projet. En choisissant ces personnes, évitez celles qui sont les plus émotives et risqueront d’éclater en sanglots en évoquant le charme du petit bois menacé, les plus impulsives qui voudront étrangler le promoteur dès son entrée dans la pièce, les grand·e·s passionné·e·s qui entameront un exposé d’une demi-heure sur l’intérêt capital des espèces végétales présentes dans le petit bois… Par contre, n’hésitez pas à vous faire accompagner par un·e « expert·e », par exemple un·e professeur·e d’université, qui pourra apporter ses connaissances et son autorité en caution de votre position.
- Relisez attentivement le dossier et décidez collectivement des éléments essentiels de votre argumentation et de la manière dont vous les présenterez. Assurez-vous que vous êtes bien tou·te·s sur la même longueur d’onde. Vous devez apparaître comme un bloc de granit, pas comme une motte de beurre qui fondra au fil de la réunion.
- Faites valider la composition de la délégation et la démarche qu’elle défendra par l’ensemble des membres du collectif.
- Faites clairement savoir dès le début de la réunion que vous n’êtes pas des « représentants » de la population mais de simples porte-paroles du collectif et des habitants qui se sont opposés au projet, que vous n’avez donc aucun mandat pour négocier quoi que soit et que vous êtes là pour écouter des propositions et en débattre afin de faire rapport à l’assemblée des membres de votre collectif ou à une assemblée d’habitants.
- Cette réunion n’est pas une émission de débat politique à la télévision. Il n’est pas utile d’essayer de placer à tout prix un long discours sur les dangers du dérèglement climatique. Un rappel des principes qui vous guident peut suffire dans la discussion.
- A l’inverse, ne vous laissez pas entraîner dans des marchandages avec le promoteur. Celui-ci n’hésitera pas à vous présenter la diminution de 300 à 280 logements et le maintien de trois chênes comme des concessions qui lui arrachent le cœur mais qu’il est prêt à faire pour le salut de l’humanité. Inutile d’entrer dans son jeu et de le pousser à descendre à 260 logements, si la volonté des 2.500 répondants est qu’il n’y ait pas de lotissement!
- Attendez-vous à ce que les représentant·e·s du promoteur et/ou des autorités communales essaient de vous enfermer dans la posture de l’irresponsable « radical·e fermé·e à tout compromis ». Ne les laissez pas faire. Répétez votre ouverture à discuter sur un vrai projet qui serait acceptable par la population, retournez le « compliment » au promoteur qui s’entête à maintenir un projet qui suscite une opposition massive, faites la comparaison avec des projets menés par des concurrents qui eux respectent les exigences écologiques,… (et si, à ce moment, le promoteur excédé vous lance la carafe d’eau à la figure, baissez la tête pour l’éviter et souriez parce que vous avez gagné!).
- Dans les jours qui suivent, attendez-vous à ce que des « personnes bien intentionnées » fassent écho de cette réunion et déforment ce que vous y avez dit. Faites-en votre propre résumé que vous présenterez rapidement à une assemblée du collectif ou des habitant·e·s – ou, au minimum, que vous diffuserez par mail et/ou en toutes-boîtes.
Si vous maintenez cette ligne et cette attitude – connaissance du dossier, critiques étayées, refus de vous laisser enfermer dans les termes définis par d’autres, évidence du soutien de la population aux perspectives défendues par le collectif – tout au long de la réunion de concertation, vous avez de fortes chances de marquer des points auprès des autorités communales. Car, si elles ne l’avaient pas encore compris jusque-là, elles auront clairement perçu qu’au-delà de la mobilisation suscitée pendant l’enquête publique, votre collectif n’est ni un groupe de NIMBY ni une bande de gugusses et de rigolos mais une force qui compte et qui peut faire mal… par exemple lors de la prochaine campagne électorale.
Sources
Décret du 06 février 2014 relatif à la voirie communale, téléchargeable sur le site wallonie.be en suivant ce lien.

