Nouveau Schéma de Développement du Territoire (SDT) : Un océan de bonnes intentions dans un brouillard d’incertitudes et quelques pincées de surréalisme

Nouveau Schéma de Développement du Territoire (SDT) : Un océan de bonnes intentions dans un brouillard d’incertitudes et quelques pincées de surréalisme

C’est ce qui ressort d’un décryptage parfois pénible d’un texte de 260 pages qui est censé projeter une vision de l’aménagement du territoire pour les prochaines années : Le Schéma de Développement du Territoire (SDT) actuellement à l’enquête publique. Occupons le Terrain (OLT), un réseau de collectifs qui se mobilisent pour la préservation des territoires et des biens communs, propose son analyse dans une lettre type qu’elle met à disposition du public.

Élaboré fin 2019 mais, jamais adopté lors de la précédente législature, le SDT a été remis sur la table sous le gouvernement actuel. Après 4 ans de difficiles négociations, un nouveau texte est actuellement à l’enquête publique (jusqu’au 14 juillet).

OLT considère que le SDT représente une avancée par sa volonté de préserver les terres et de lutter contre l’étalement urbain. Notamment via la concentration des nouveaux habitats dans les “centralités” des communes et des villages, le souhait de brider le développement anarchique des implantations commerciales et de mieux faire face aux risques d’inondations,… MAIS

OLT déplore le manque d’ambition des mesures concrètes proposées :

  • Alors que le dérèglement climatique et environnemental s’emballe, que les vagues de chaleur et de sécheresse se doublent d’une multiplication inquiétante des inondations, le SDT (et le Code du Développement du Territoire également en discussion aujourd’hui) continuent, comme si de rien n’était, à fixer un objectif de “zéro artificialisation net” en 2050. Une occasion de limiter rapidement l’artificialisation du territoire est donc perdue et, dans ce domaine, le temps perdu ne se rattrape jamais.
  • Si, en matière d’aménagement du territoire, une attention forte est donnée aux implantations d’habitat et de commerce, les contraintes sont bien moins présentes et bien moins fortes pour les grandes activités économiques. Cela signifie que la création de zonings pourra encore se faire au détriment des terres agricoles, des espaces verts et des forêts, y compris dans des zones éloignées du bâti existant, contribuant ainsi à la fragmentation des milieux naturels et semi-naturels. Ce n’est pas un hasard : le SDT reste inscrit dans la vision politique dominante qui met au centre la compétitivité de l’économie wallonne face aux autres économies nationales et régionales du monde entier, ce qui amène à des contradictions éclatantes. C’est le même gouvernement wallon qui exprime sa volonté d’accélérer la décarbonation de la région et qui encourage l’extension rapide de l’aéroport de Liège. Or, l’accroissement très important du nombre de vols d’avions et de trajets de camions de ce seul aéroport réduira à néant les effets des mesures bénéfiques évoquées dans le SDT.
  • En matière d’habitat et d’activités liées directement à celui-ci, la Région ne propose qu’une cartographie grossière et imprécise des “centralités” et refile la patate chaude aux communes pour préciser les zones où 75 % de l’habitat résidentiel devra se concentrer à l’avenir. En l’absence de directives claires et d’un cadre légal contraignant, l’aménagement du territoire sera très variable d’une commune à l’autre, en fonction des volontés politiques locales. Avec des approximations et des orientations floues, voire contradictoires, comme celle du SDT, comment un Collège communal pourra-t-il motiver valablement un refus de permis d’urbanisme ? De plus, les permis refusés par les communes pourront encore être octroyés en recours par la Région, comme c’est malheureusement souvent le cas actuellement, empêchant les communes de lutter efficacement contre l’artificialisation de leur territoire.
  • Une pointe de surréalisme à la Belge est à relever dans le chapitre concernant les commerces où on trouve ceci : « Dans les espaces excentrés, favoriser le maintien, voire la réduction, des sites commerciaux existants et, à défaut, permettre leur extension » (sic) et plus loin « permettre l’augmentation de la superficie commerciale nette en achats lourds à condition que le projet présente une bonne accessibilité en transports en commun et en modes actifs ». Comme si le client allait transporter ses meubles et électroménagers en bus, à pied ou à vélo ! Pour réduire significativement notre empreinte carbone, la priorité serait plutôt de rendre accessible les commerces alimentaires par des moyens de transports alternatifs à la voiture, vu la fréquence de ce type d’achats, mais aucune contrainte d’accessibilité n’est mentionnée pour ces commerces essentiels…

En résumé, ce texte promet encore de beaux jours aux projets inutiles, imposés et nuisibles qui grignoteront encore davantage nos ressources agricoles et forestières. On est loin du Stop Béton immédiat qu’exigent le dérèglement climatique et la chute dramatique de biodiversité et on continue à jouer à cache-cache dans la maison qui brûle.

OLT déplore également le manque de transparence de la présente enquête publique.

En effet lorsqu’un projet est soumis à enquête publique, il est de bon ton (voire obligatoire) d’y joindre des plans précis. Ici rien de tout cela. Les cartes présentant les centralités sont
approximatives et les espaces excentrés, mentionnés à de nombreuses reprises dans le texte, ne sont même pas cartographiés. De plus, les modalités de réponse ne sont pas faciles à trouver sur le site du SPW et cette enquête publique se déroule à la veille des vacances, ce qui ne facilite pas la réaction des communes et des citoyen·ne·s.

Faut-il néanmoins réagir à l’enquête publique ?

Oui bien évidemment. Il est important que les citoyens et citoyennes, face aux décideurs, expriment leur intérêt pour l’aménagement futur de leur cadre de vie (ou de survie).
Mais tout le monde n’a pas le temps, ni le courage de se pencher sur ce texte volontairement nébuleux, d’y distinguer les belles intentions des trop rares mesures concrètes et de repérer les
contradictions et les manquements.

C’est pourquoi OLT publie une lettre type abordant les différents chapitres d’une manière synthétique, laissant la possibilité à chacun de prendre, de compléter certains des arguments
présentés.