Attaque la ZACC : désinformation ou alerte ?

Attaque la ZACC : désinformation ou alerte ?

A Herve, le collectif Attaque la ZACC s’oppose à la création d’un parc industriel à cheval sur deux Zones d’aménagement communal concerté (ZACC), prélude à des projets immobiliers d’envergure sur ces deux ZACC.

Dans une Carte blanche, le collectif, lance l’alerte : quel sens cela a-t-il de concrétiser aujourd’hui un projet vieux de vingt ans, alors que tout le monde sait (ou devrait savoir) que la combinaison de l’artificialisation des sols et du dérèglement climatique accélère tous les dangers, à commencer par celui d’inondations meurtrières ?

Une réflexion qui prend de la hauteur tout en s’enracinant dans le local et le concret et que nous publions avec plaisir.

L’histoire des Zones d’aménagement communal concerté (ZACC) de Bolland et de Herve-Battice est déjà ancienne et devrait, selon les plans actuels, nous accompagner pendant 30 à 40 ans encore. Par où commencer pour comprendre d’où elles viennent ? Les uns remontent aux origines, c’est-à-dire aux plans de secteur décidés dès 1971. C’était au temps de ce que l’on a appelé Les Trente Glorieuses, au temps réputé de l’abondance d’avant les crises. En ce temps-là pourtant, le Club de Rome alertait déjà sur Les limites de la croissance et sur la fragilité de l’écosystème qui nous fait vivre. C’était le temps aussi où René Dumont, futur candidat à l’élection présidentielle en France, s’inquiétait de la survie de l’espèce humaine, de génération en génération, dans son rapport avec la Terre. Mais personne n’était prêt, à cette époque, à écouter ces prophètes de malheur.

Sans remonter aussi loin, contentons-nous ici d’entrer dans cette longue histoire au tournant du siècle, en 2002, lorsqu’une alliance CDH-PS décida d’aménager les 2 ZACC. L’objectif de leur mise en œuvre se justifiait sans doute : pour lutter contre l’étalement de l’habitat, il s’agissait de densifier les pôles urbains de Herve et de Battice en offrant des services de proximité à leurs habitants, ce qui ne pouvait que profiter au (re-)développement des centres-villes. Mais du principe à sa réalisation, le temps passa, divers recours ralentissant la concrétisation de ces projets durant plusieurs années. Jusqu’il y a peu où – enfin ! diront certains – on allait pouvoir donner le premier coup de pelle…

C’est à ce moment qu’Attaque la ZACC, un collectif de citoyens réunis en hâte à quelques jours de la fin de l’enquête publique, s’opposa in extremis au projet d’aménagement et de mise en œuvre d’un parc d’activités économiques mixtes (PAEM) sur une petite partie de la ZACC de Bolland. Ces citoyens considèrent qu’il s’agit du premier pas vers l’artificialisation des 2 ZACC, ce que les promoteurs leur reprochent en les accusant de désinformation. Les décideurs politiques ne nient pourtant pas ces projets à moyen terme. D’ailleurs, les études et les plans ne font pas mystère du phasage des travaux, et la demande de l’actuel permis laisse entendre qu’il y aura des développements ultérieurs lorsqu’elle évoque « le futur développement résidentiel prévu sur la ZACC côté Est » ou encore « la création de cheminements en bordure du Parc avec des connexions vers de potentiels aménagements futurs. » Y aurait-il un risque à annoncer clairement à la population ce que sera le futur des ZACC ?

Nous sommes en 2023, plus de 20 ans après la décision initiale, et les temps ont changé. Les avis des scientifiques commencent à être entendus ; et les événements climatiques extrêmes se multiplient d’année en année sous toutes les latitudes. Chez nous, les inondations catastrophiques de juillet 2021, avec leurs 39 victimes et des dégâts considérables, ont constitué un traumatisme collectif loin d’être cicatrisé. (Et on ne parle pas ici des dix mille morts prématurées provoquées en Belgique par les vagues de chaleur au cours des vingt dernières années.) Dès lors, est-il concevable de réaliser des aménagements d’une telle ampleur sur la base d’études qui n’intègrent pas la (nouvelle) donne du dérèglement climatique et de l’effondrement de la biodiversité ? N’y a-t-il pas d’alternative au prélèvement de plus de 80 hectares, principalement sur des terres agricoles, pour les couvrir de routes, d’ateliers et de halls, de maisons et d’immeubles de toute sorte, sur la ligne de crête entre Herve et Battice, ce qui impactera forcément les versants de la Vesdre et de la Meuse en aval ? Comme si rien ne s’était passé en juillet 2021. Où est le changement de paradigme exigé par un monde qui change de plus en plus vite sous nos yeux ?

Les édiles communaux et les promoteurs qui défendent le projet font pleine confiance aux experts en charge des études préalables à la réalisation des travaux. D’après eux, il n’y a rien à craindre… sauf si le ciel venait à nous tomber sur la tête ! Mais c’est précisément ce que d’autres scientifiques – indépendants – nous annoncent. « Si on maintient les objectifs visant à limiter le réchauffement climatique à une hausse de 1,5 degré Celsius, a déclaré le Professeur X. Fettweis devant la Commission d’enquête parlementaire consacrée aux inondations, les événements de juillet 2021 pourraient se répéter tous les 10 à 20 ans en Belgique. » Catastrophisme ou parole d’expert qu’il est urgent d’écouter ?

Des consciences mondiales viennent étayer ces propos. Elles nous incitent à prendre véritablement la mesure des défis qui se profilent devant nous. « L’effondrement climatique a commencé », a déploré le Secrétaire général de l’ONU, M. Antonio Guterres, dans un communiqué en réaction à l’annonce du record mondial de températures pendant l’été 2023 dans l’hémisphère nord. Juillet et août ont été les mois les plus chauds jamais enregistrés, a annoncé l’Observatoire européen Copernicus. Selon M. Guterres, les dirigeants doivent maintenant faire monter la pression pour trouver des solutions au problème du climat. « Nous pouvons encore éviter le pire du chaos climatique – et nous n’avons pas un instant à perdre », a-t-il conclu.

Une autre conscience mondiale, soucieuse depuis longtemps des défis environnementaux, tient le même discours dans la lettre qu’il vient de publier : « Nous avons beau essayer de les nier, de les cacher, de les dissimuler ou de les relativiser, les signes du changement climatique sont là, toujours plus évidents. Nul ne peut ignorer que nous avons assisté ces dernières années à des phénomènes extrêmes, à de fréquentes périodes de chaleur inhabituelle, à des sécheresses et à d’autres gémissements de la terre qui ne sont que quelques-unes des expressions tangibles d’une maladie silencieuse qui nous affecte tous. » À la suite de quoi il lance un appel : « Il ne nous est rien demandé de plus qu’une certaine responsabilité face à l’héritage que nous laisserons de notre passage en ce monde. » Loin de désespérer, il entrevoit des facteurs de changement : « Les revendications qui émergent d’en bas partout dans le monde, où les militants des pays les plus divers s’entraident et s’accompagnent, peuvent finir par exercer une pression sur les facteurs de pouvoir. On peut espérer qu’il en sera ainsi concernant la crise climatique. C’est pourquoi je répète que si les citoyens ne contrôlent pas le pouvoir politique – national, régional et municipal – un contrôle des dommages sur l’environnement n’est pas possible non plus. » Avez-vous reconnu les mots du Pape François ?

Il est donc de notre responsabilité collective de prendre la mesure du présent qui vient, de ce qui est sous nos yeux mais que nous ne voulons pas voir. Les 935 citoyens qui ont exprimé leur opposition lors de l’enquête publique ne poursuivent aucun objectif partisan. Ils ne sont nullement dans une stratégie où on essaye à tout prix de faire capoter un dossier, comme on le leur reproche. Ils tirent le signal d’alarme : un projet d’une telle ampleur ne peut se réaliser dans le même esprit qu’il y a une décennie. Il ne peut rester entre les mains des seuls experts mais doit faire l’objet d’une large information et d’échanges approfondis avec la population ainsi que d’une concertation avec les communes de l’aval potentiellement impactées.

C’est ce que nous réclamons : Attaque la ZACC ! pour ne pas que 80 hectares soient définitivement « zaccagés » pour les générations futures.