A Fy (Aywaille), les habitants disent « Protégeons nos campagnes, Stop Béton! »

A Fy (Aywaille), les habitants disent « Protégeons nos campagnes, Stop Béton! »

A l’été 2022, les habitants et habitantes du hameau de Fy (faisant partie de la commune semi-rurale d’Aywaille, dans la banlieue liégeoise) ont été mis au courant de la volonté d’une société de  promotion et de construction de lotir et bâtir une parcelle privée actuellement dédiée à l’agriculture, parcelle située au cœur même du hameau.

Le promoteur-constructeur envisage de transformer un ancien chemin empierré en une voirie carrossable, de lotir une parcelle actuellement cultivée en 15 lots et de construire, en une phase, 15 maisons selon le même modèle issu de son catalogue. Cette voirie étant créée, elle viabiliserait une autre parcelle communale qui pourrait recevoir également un minimum de 5 autres maisons.

Ainsi, en l’espace de quelques mois, le nombre d’habitants du Hameau se verrait soudainement doublé. Par conséquent, la pression sur l’environnement bâti et non bâti du hameau et des environs serait sérieusement et irrémédiablement aggravée.

Un hameau aujourd’hui

Le Hameau de Fy est représentatif du paysage rural wallon : autrefois, un croisement de deux chemins dans la campagne et des fermes éparses au milieu de leurs pâtures, champs cultivés et
vergers. Autour du hameau, sur les zones non cultivables, des bois et des vallons creusés par de petits ruisseaux.

Depuis l’après-guerre et progressivement, s’est développée une urbanisation distendue le long des anciens chemins devenus routes, des maisons d’habitation 4 façades entourées de jardins ouverts sur le paysage : 19 maisons au centre du hameau, 6 maisons en contre-haut du centre et quelques maisons isolées aux alentours. Le caractère rural est préservé grâce à une densification faible de l’habitat, ce qui a permis la préservation de larges poches vertes faites de vergers, de prairies, de bosquets et de champs.

Mais tout n’est pas idéal dans ce tableau. Ce hameau c’est aussi : pas d’écoles, pas de commerces, pas de transport en commun, pas de centre. Et donc le recours massif à la voiture dont l’impact se fait sentir : voiries trop étroites et défoncées par le trafic en augmentation, sécurité des enfants mise en danger,…

Dans ce hameau, la construction de 20 maisons nouvelles (évidemment toutes en 4 façades) et le doublement de la population modifieraient tout l’équilibre local existant, accentuerait les problèmes et poserait de sérieux problèmes en termes environnemental et agricole.

Dans le viseur, une urbanisation à fond les manettes

Le promoteur/constructeur s’estime évidemment dans son bon droit dans le sens où il construit sur un terrain référencé au plan de secteur comme zone d’habitat.

La Commune n’a jusqu’ici pas manifesté d’intention de s’opposer au projet. Elle compte même profiter de la viabilisation de la voirie pour développer son propre lotissement. Sa position peut donc se résumer comme suit : dés lors qu’il s’agit de terrains à bâtir, elle ne peut pas s’opposer au projet.

Ce n’est donc pas un « simple » lotissement de 20 maisons qui est en jeu. Les surfaces qui restent à urbaniser dans nos campagnes sont énormes, comme le montre, par exemple, cette carte de la commune d’Aywaille (les zones en hachuré rouge sont les zones où il est encore possible de construire selon le Plan de Secteur).

Et ce n’est pas une simple carte purement théorique : la Commune d’Aywaille a déclaré que cette urbanisation pourrait aller jusqu’à 30% du territoire disponible de la commune ! De nombreux vergers, prairies, champs et bocages sont susceptibles de disparaître au profit d’un lotissement. C’est l’histoire du serpent qui se mord la queue : à force d’urbaniser à tout va nos campagnes, celles-ci disparaissent !

Des conséquences qui seraient irréparables

Face à cette Sainte Alliance du droit de propriété et du Plan de Secteur, sur laquelle se construit donc la coopération entre le promoteur et la commune, un collectif d’habitants et d’habitantes s’est constitué pour marquer et argumenter leur opposition à ce nouveau projet immobilier.

Dans leur document d’analyse, le collectif met en évidence les conséquences qu’aurait cette urbanisation galopante et massive :

1) Augmentation massive du trafic qui défonce les rues, les chemins, trouble la quiétude des habitants, met en danger les enfants et les usagers faibles, envahit la chaussée et les accotements de voitures ;

2) Artificialisation des sols : lors de fortes pluies, le sol n’est plus capable d’absorber les précipitations puisqu’il a été rendu imperméable par les constructions. Cela vaut pour les routes, les zones de parkings, les allées, terrasses et bâtiments. C’est une des principales causes des inondations qui ont touché notre région à l’été 2021 ;

3) Pollution des sols : chaque ménage produit des effluents. La plus grande partie de nos campagnes n’est pas munie de raccordements à une station d’épuration collective. Il nous est demandé de réaliser notre épuration individuelle. A la sortie de nos stations d’épuration individuelle, les eaux sont toujours potentiellement dangereuses. Que nous est-il demandé de faire ? Les faire pénétrer dans le terrain vers le sous-sol via des drains de dispersion relativement onéreux à réaliser. Ces travaux sont souvent postposés voire non réalisés par les constructeurs : le risque de pollution en surface est accru. Même lorsque ces eaux sont dispersées, la charge imposée au terrain rend l’absorption difficile voire inopérante. Enfin, cela a un impact négatif sur les nappes phréatiques ;

4) Impact sur la nature et la biodiversité : des surfaces vertes qui disparaissent c’est, de facto, un morceau de biodiversité qui disparait : moins de place pour les vaches, les moutons, les cultures, les prairies, les vergers, les rongeurs, les oiseaux de proies, le gibier, les insectes et les fleurs mellifères. Le territoire se morcelle en coupant les couloirs de circulation de la biodiversité ;

5) Impact économique sur la communauté : de nouveaux lotissements ce sont de nouvelles routes, mais aussi de nouvelles infrastructures pour transporter eau, électricité, téléphonie, … Tout cela a un coût à la construction mais aussi et surtout à l’entretien. Or, ces coûts, c’est nous qui les supportons via nos impôts et taxes ;

6) Impact économique : ces lotissements sont souvent promus par des sociétés de construction qui amènent leur propre main d’œuvre et leurs matériaux pour construire. Cela ne génère pas ou peu de retombées économiques pour les entrepreneurs locaux ;

7) Un petit dernier pour la route : Les typologies (c’est-à-dire ce à quoi ressemble le lotissement une fois fini) de ce type de lotissement sont très artificielles. D’abord de par leur organisation dans le territoire : pour rentabiliser les opérations, le promoteur ne se contente pas de construire le long des routes et chemins ancestraux. Il crée des voiries souvent en cul-de-sac, qui permettent d’urbaniser en profondeur le territoire. Résultat, un modèle d’implantation et de vivre ensemble complètement inconnu à la campagne : des vis-à-vis forcés, sur le côté mais aussi à l’arrière des propriétés… Enfin, ces opérations qui visent à construire 10 à 20 maisons d’un coup, imposent une logique d’uniformisation du bâti alors que celui-ci s’était développé petit à petit dans une joyeuse irrégularité.

Des engagements à respecter

En conclusion de cette analyse et, après avoir passé en détail les engagements pris au niveau communal, régional et européen, le collectif appelle sans surprise la commune d’Aywaille à respecter les engagements qu’elle a défini dans sa Déclaration de politique communale et à suivre les recommandations de son propre Schéma de Développement Communal en ne donnant pas de permis pour ce lotissement.

Le collectif en profite aussi pour demander à la commune et à la Région wallonne de la cohérence dans le respect de leurs engagements, car « promouvoir des lotissements n’a rien de durable, c’est artificialiser le sol et le confisquer, c’est augmenter l’étalement urbain et favoriser une mobilité du tout à la voiture. »

Pour plus d’infos

Le document d’analyse du collectif : https://www.docdroid.net/XFAVBKI/texte-sitepage-fb-20230319-docx#page=11

La page Facebook : https://www.facebook.com/profile.php?id=100089353485077&locale=fr_FR