Mons : Le Champ de Mars, vous connaissez ?

Mons : Le Champ de Mars, vous connaissez ?

L’article qui suit raconte la mobilisation qui s’est développée ces derniers jours dans un quartier de Mons, telle que l’a vécue l’un des membres du collectif qui s’est créé à cette occasion. Et, vous le verrez rapidement, toute ressemblance avec des situations vécues par d’autres collectifs… n’est absolument pas fortuite !

Qui ne s’est jamais baladé au Champ de Mars à Paris et n’a jamais profité de cet espace vert entre la Tour Eiffel et l’École militaire ? Selon Wikipédia, le Champ de Mars doit son nom au dieu romain de la guerre. Il désigne à l’origine, dans une ville, un vaste espace destiné aux manœuvres et aux parades militaires.

À Mons, il y a aussi un Champ de Mars. Plus modeste certes, mais non moins arboré. Le Champ de Mars est occupé par l’Université de Mons sur la « Plaine de Nimy » et par les habitants du quartier le long du Champ de Mars. D’importantes « manœuvres » en tout genre sont en cours. Parmi celles-ci, une demande de permis unique pour la construction d’un bâtiment dit des « écotechnologies » d’une hauteur de 28 mètres (!) à front de voirie, entraînant la destruction d’arbres et de haies (remarquables), le long du chemin et sur le campus.

5 octobre 2023

Une énorme affiche jaune (vous voyez de quoi je parle) est apposée sur le poteau à quelques mètres de notre porte. Nous avions déjà reçu quelques avis d’enquête publique la semaine précédente pour un autre projet de l’UMons, relatif notamment à des utilisations confinées d’organismes génétiquement modifiés ou pathogènes. Cette fois, il s’agit de la construction d’une tour de 6 étages. Au total, un mur de près de 28 mètres, criblé de fenêtres, en face de nos maisons. Personne ne s’était véritablement rendu compte des différentes enquêtes publiques. Avis sur avis sur avis…

Un bâtiment et un dossier hors gabarit

Ma compagne et moi demandons un rendez-vous au service Environnement de Mons. On y découvre un dossier volumineux. Nous finirons par obtenir une adresse cloud reprenant la demande de permis unique et l’ensemble de ses documents et autres notices d’incidences.

Stupéfaction

Plus on découvre le dossier du demandeur, plus on se rend compte de l’ampleur des conséquences : nuisances visuelles (les fenêtres offrent une vue directe et plongeante sur plusieurs pièces de notre maison, censées être intimes. Une terrasse de cafétéria est prévue au-dessus du 2e étage. Du 6e étage, ils pourront même voir notre jardin à l’arrière). L’ensoleillement : on nous garantit 2 h de soleil au minimum par jour. Merci les gars, c’est bien d’y avoir pensé, et merci aussi pour notre production d’électricité verte. Nuisances sonores : pompes à chaleur et autres machineries, sans parler de la phase de chantier. Rejets atmosphériques : l’UMons va installer une clean room, une sorte de laboratoire dont on ignore à ce jour ce qui va y être testé et ce qu’elle va rejeter. Dépôt de gaz et de liquides inflammables, etc., etc. Ah oui, j’oubliais : les problèmes de mobilité et de stationnement, le Champ de Mars et les quartiers avoisinants étant déjà complètement saturés. Et last but not least, le projet entraîne la destruction de l’espace vert qui longe le Chemin du Champ de Mars et de plusieurs arbres sur le campus. Au total, 7 arbres remarquables seraient abattus. Notre quartier serait complètement défiguré.

Effondrement et premières démarches

Ma compagne et moi sommes effondrés. Notre vie est en train de basculer. Nous entamons quelques démarches. Le dossier du demandeur mentionne un inventaire des arbres et haies remarquables dressé en 2021 par Natagora, dont voici la conclusion : « Un inventaire révèle la présence d’espèces végétales, animales et fongiques plus ou moins intéressantes, sans que cet inventaire ne restitue une qualité exceptionnelle ». Nous contactons Natagora pour en savoir plus. L’asbl nous transmet quelques adresses. Nous lui envoyons également un e-mail rempli de questions pour connaître la position de l’asbl sur la destruction prévue du cordon boisé et les « mesures de compensation » énoncées dans le dossier de l’UMons, sans recevoir de réponse à ce moment, ce qui nous inquiète un peu.

La « défense » du patrimoine arboré du Hainaut

Nous contactons le département Environnement / Patrimoine arboré de Hainaut Développement dont la mission est de « défendre l’environnement et gérer le patrimoine arboré du territoire hainuyer ». L’un des responsables est un véritable amoureux des arbres et donne même des conférences pour en vanter tous les bienfaits. Le bureau d’architecture avait demandé un avis à Hainaut Développement qu’ils ont transmis au Service Public de Wallonie. Malgré notre insistance, Hainaut Développement ne nous transmet pas son avis, « par souci d’objectivité », tout en précisant que « le maintien des arbres n’est pas possible avec ce projet ». Nous contactons aussi le Département de la Nature et des Forêts, notamment par e-mail. À ce jour, aucune réponse à nos questions ne nous est parvenue. En résumé, les contacts avec ces instances, quand nous parvenons à les établir, s’avèrent infructueux ou sans réponse. Le temps passe…

Collectif de riverains

Quiconque est confronté à ce genre de problème finit dans un collectif de riverains. En soi, c’est bien, on fait la connaissance des voisins. On se réunit le dimanche. Mais 10 jours ont passé. Que le temps passe vite quand on s’amuse !

Ma compagne et moi avions entre-temps pris contact avec Marcel, un responsable du collectif namurois Ramur, et Jean, un Liégeois d’Occupons le Terrain. Nous ne les remercierons jamais assez des premiers secours qu’ils nous ont octroyés.

Le collectif s’organise tant bien que mal. Il reste 4,5 jours pour les lettres d’opposition au projet en l’état et pour mener campagne ! D’autant que le bourgmestre de Mons avait annoncé sur Facebook la construction du bâtiment une quinzaine de jours avant l’enquête publique. Quant à l’entreprise de construction déjà désignée (Wust), elle l’avait annoncé un mois auparavant sur LinkedIn.

En ordre de bataille

Le Champ de Mars n’a jamais aussi bien porté son nom. Pour contrer les manœuvres en cours, il faut s’organiser, agir et se trouver des alliés. Ce sera chose faite : lettres d’opposition manuscrites et numériques, communiqué de presse et tract. Les voix de Marcel et de Jean nous sont devenues familières depuis toute cette histoire. Et ce n’est pas tout : trois experts en architecture et en urbanisme complèteront notre dossier d’opposition. Des amis proches aussi. Au total, notre dossier comporte 27 pages de remarques et d’observations, mais aussi de propositions d’alternatives.

Contactée par un membre de notre collectif, la gestionnaire du projet de l’UMons avait affirmé « dormir sur ses deux oreilles ». Quoi qu’il en soit, nous, nous n’avons pas beaucoup dormi avant le 20 octobre, date de clôture de l’enquête publique. C’est encore malheureusement le cas aujourd’hui.

Dépôt du dossier et des lettres d’opposition

Arrive le grand jour de la remise d’une copie papier de notre dossier et de ses annexes (les riverains les enverront aussi par e-mail), ainsi que des lettres de nombreux habitants qui nous ont fait confiance pour faire entendre leur voix. L’avis d’enquête publique indique que les courriers doivent être déposés à l’Administration communale de Mons, Grand-Place, 22.

Moment épique ! Je me rends avec une membre de notre collectif à l’hôtel de ville de Mons sans trop savoir où se trouve le n° 22 Grand-Place. La préposée à l’accueil auprès de qui nous insistons pour déposer nos lettres d’opposition manuscrites, nous renvoie finalement dans une rue adjacente. Là, la préposée à l’accueil ne voit pas très bien de quoi il s’agit et nous demande d’aller au service Environnement, bien plus loin en ville. Nous insistons. Elle va consulter quelques responsables dans les bureaux derrière. Je vous passe le nombre d’allées et venues. Au final, nous obtenons un cachet et l’aveu que personne ne dépose jamais rien dans le cadre d’une enquête publique.

Les étonnants procédés de l’UMons

À la clôture de l’enquête publique, nous imaginions naïvement pouvoir nous poser, au moins quelques jours. Ce ne sera pas le cas.

Tout d’abord, le jour même de la clôture de l’enquête publique, nous constatons la présence d’un géomètre venu définir précisément l’implantation du bâtiment projeté par l’UMons. Nous sommes surpris de la vitesse à laquelle l’Université veut faire évoluer son dossier, l’échéancier des travaux ne prévoyant même pas un temps consacré à la lecture des éventuelles oppositions au projet.

Et nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Le 30 octobre, nous recevons en effet la réponse claire et sans équivoque de Natagora à notre e-mail. L’asbl trouve inacceptable d’être citée dans l’enquête publique pour justifier que l’habitat n’est pas « de qualité exceptionnelle ». Pour Natagora, il est évident que même si elle a émis des recommandations pour limiter au maximum la destruction de la biodiversité, elle ne soutient en aucun cas le projet de construction, à fortiori dans le cas présent où cette construction est réalisée sur un site qui était labellisé Réseau Nature Entreprises. Natagora ajoute que sa position sur l’abattage de la haie est claire et a déjà été exprimée à plusieurs reprises : elle ne trouve absolument pas cela acceptable et n’est pas mandatée pour donner des mesures « de compensation » qui ne suffisent en aucun cas à remplacer l’intérêt d’un élément du maillage écologique existant. Toujours selon Natagora, il est bien malheureux que le projet n’ait pas été pensé en prenant en compte cet élément et en s’y adaptant. Une décision d’autant plus difficile à comprendre qu’un bâtiment voisin est visiblement destiné à être abattu.

Ce 30 octobre, nous sommes donc stupéfaits d’apprendre de quelle manière le demandeur a utilisé l’inventaire de Natagora à son insu et donné dans sa demande de permis unique une tonalité toute différente à l’appréciation de Natagora. À nos yeux, l’UMons tente ainsi de minimiser l’incidence qu’aurait le projet sur la biodiversité et l’écosystème existants.

Nous sommes bien évidemment heureux et soulagés de constater que Natagora préconise la préservation du patrimoine végétal existant. Et nous tenons à les remercier.

Encore un élément de poids à verser au dossier !

Et maintenant ?

Nous attendons l’avis du Collège communal. Nous disposons d’un dossier qui tient la route sur divers plans, dont juridique. L’avis du Collège communal sera ensuite envoyé aux fonctionnaires de la Région wallonne. Les membres du collectif maintiennent essentiellement la pression par l’intermédiaire d’un groupe Facebook : « Mons : défendons le Champ de Mars et les arbres qui le « bordent ».

N’hésitez pas à le rejoindre (le nombre de membres followers nous encourage et les autorités le voient). Vous y trouverez notamment notre communiqué de presse. Et n’hésitez pas à liker et à partager. Merci infiniment.

Adresse Facebook du collectif : https://www.facebook.com/groups/258774843386330?locale=fr_FR